Pour les amoureux d’aujourd’hui le silence est encore plus cruel : la révolution numérique, en démultipliant les moyens de communication, en offrant à chacun la possibilité d’être joint partout à tout instant, rend les silences de l’autre d’autant plus significatifs qu’ils ne peuvent être attribués à l’éloignement géographique.
Hormis la panne de batterie – qui sert parfois de prétexte – (ou le « ça captait pas » ndlc), rien n’empêche les amoureux, même séparés par un océan, de se parler ou de s’envoyer, par SMS ou par mail, à toute heure du jour ou de la nuit, des petits mots ou de longues lettres. Ils peuvent même, par Webcam, se voir, s’entendre et se sourire malgré la distance.
Dans ces conditions, le silence de l’autre est le plus éloquent des messages. Le portable qui ne sonne pas, l’ordinateur qui ne clignote pas, la boîte de réception devenue boîte de déception sont bien plus angoissants qu’une boîte aux lettres vide car aucun retard du facteur ni aucune grève de la poste ne peuvent les justifier. Si l’autre est silencieux, c’est qu’il a décidé de l’être ou pire qu’il ne pense pas à moi. Un jour sans nouvelles de l’aimé, autrefois, ce n’était rien – on pouvait attendre une lettre venue de loin pendant des semaines.
Aujourd’hui, une heure, c’est une éternité. En abolissant l’espace, le numérique a dilaté le
temps.
C’est du fond de ces heures d’impuissance fébrile et de tension vaine que se fabrique l’abominable souffrance : la jalousie. (Et ce dont elle issue, la peur- ndlc).
Olivia Gazalé – « Je t’aime à la philo ».