La catastrophe a eu lieu. L’être aimé est parti ou il vous préfère quelqu’un d’autre. Vous êtes délaissé, abandonné, en proie au doute, au dégoût de vous-même et à la jalousie. Quels remèdes employer contre le chagrin d’amour ?
Stendhal suggère dans « De l’amour », une méthode qui paraîtra dérisoire, mais qui est plus efficace qu’il n’y paraît : il suggère aux amants malheureux d’aller se promener dans un beau paysage, en montagne ou mieux encore, sur le littoral : « J’ai éprouvé que la vue d’une belle mer est consolante », confie-t-il.
Salutaire, le spectacle de la nature vous arrache à votre individualité et aux tourments que vous ressassez sans trouver d’issue. Tout à coup, la stabilité de la terre, du ciel et de la mer fait contrepoids à votre inquiétude, leurs dimensions relativisent votre importance.
Stendhal écrit en 1820. Depuis, beaucoup de choses ont changé. Traversés d’autoroutes, de voies ferrées, de câbles électriques, grevés de constructions modernes, de centres commerciaux, de panneaux de publicité mais aussi d’usines et de centrales, les paysages où les romantiques traînaient leurs guêtres et leur spleen sont aujourd’hui méconnaissables. Plus encore, une altération plus ou moins visible gagne la terre, la mer et le ciel. Où pouvons-nous aller oublier notre peine quand nous sommes malchanceux en amour ? Quelles possibilités nous reste-t-il ?
Nous écoutons d’une oreille distraite les militants verts et les mauvais augures qui nous rabâchent qu’il faut sauver la planète pour le bien de l’humanité ou des générations à venir : ces finalités sont vagues et éloignées de nous.
Et si c’était d’abord pour des raisons existentielles et intimes qu’il fallait renouer un lien avec la nature ?
S’il est urgent de veiller sur cette dernière, c’est aussi pour préserver le refuge des amoureux.
Alexandre Lacroix – Philosophie Magazine (extraits)