« Il est surprenant, s’étonne Charles Pépin, que le fait de se tromper soit perçu comme humiliant par la plupart des élèves de CM1 ou de CM2, mais que les chercheurs du monde entier y voient un acte normal, formateur, nécessaire… ».
Ne serait-il pas temps d’expliquer à ces élèves tétanisés par le risque de se tromper que la possibilité de l’erreur est au cœur du progrès scientifique comme le montrait déjà le philosophe Karl Popper dans sa Logique de la découverte scientifique (1968) en mettant en évidence qu’une proposition n’est scientifique que si elle s’expose à sa propre réfutation – ce qu’il appelait la «
falsifiabilité ».
L’échec a des vertus, ignorées ou refoulées. Il nous apprend à prendre la mesure du réel, à nous confronter aux autres et à évaluer notre endurance. A l’école, dans le travail comme au quotidien, il est temps de le sortir de son statut d’indignité. Reste à savoir comment le rendre vraiment fécond ;
Car tout échec n’est pas le préalable à une réussite future. C’est d’abord une véritable négation : de nos pouvoirs, de notre savoir, de nous-mêmes.
Et c’est en tant que tel, paradoxalement, qu’il peut contribuer à élargir le spectre de nos capacités. Comme expérience d’adversité inévitable, convoquant désir, possible et peut-être persévérance.
Il ne sera plus alors cette chose honteuse que l’on s’évertue à dissimuler aux autres et à soi-même au risque de tomber dans le ressentiment, mais le point d’accès à une plus grande.
Dans son poème « If », Rudyard Kipling met en garde : » Prenons l’échec et le succès d’un même front, les deux mentent. S tu crois que ton échec t’enferme dans une essence éternelle, il te ment ; si tu crois que ton succès t’enferme dans une identité, il te ment aussi. Pour ne pas devenir un arrogant, enfermé dans ce que Sartre appelle « l’enflure de l’être », prenons les échecs et les succès comme des questions et non comme des états définitifs ».
Martin Legros – Philosophie Magazine et Charles Pépin – « Les vertus de l’échec »
Et pour terminer, une citation de Raymond Devos : « Choir n’est pas déchoir, l’homme qui a chu n’est pas déchu ». (ndlc)