« Toucherait-on à un tabou ? Serait-il inconvenant, dangereux, de parler ouvertement de ses insatisfactions parentales ?
Une sorte de gêne semble freiner les parents déçus, les blessés, ceux qui se sentent trahis, les retenant d’exprimer librement leurs rancoeurs. Si l’on critique ouvertement ses enfants, on passe aux yeux des autres pour un aigri et à ses propres yeux pour un incapable, un mauvais parent.
Le résultat est pernicieux, car lorsque la pensée est entravée, les sentiments les plus sournois et les plus ravageurs peuvent déferler et emporter quiconque dans la tourmente.
Ainsi, qui n’ose avouer sa souffrance peut finalement se voir rongé par des ressentiments tenaces et envahissants qui lui dévastent l’existence.
Qui croit devoir trop aimer aime mal.
Qui n’ose reprocher ne peut parvenir à pardonner.
…/… Pardonner à ses enfants, même le pire, l’impensable, voire l’impardonnable, c’est consentir à souffrir de l’infranchissable distance qui sépare chacun d’entre nous – toujours et à jamais, sans espoir de comblement possible – des autres, de tous les autres, qu’ils soient nos amants ou nos enfants »
Maryse Vaillant, Sophie Carquain « Pardonner à ses enfants » Albin Michel 2012